samedi 6 juin 2015

Happy

Il n'y a aucun doute là-dessus, Manon est heureuse. Et nous le sommes également.
Nous avons appris à reconnaitre le bonheur, le bien-être... grâce à elle...
Elle ne se complique pas la vie. Elle n'a pas les "codes" pour ça.
Toutes les choses qui peuvent polluer notre existence d'adultes tracassés par le travail, les factures à payer, le quotidien à gérer, la famille et les amis à ne pas négliger... elle ne les connaîtra probablement jamais.
Toutes les émotions qui nous assaillent et nous empêchent d'avancer, elle ne s'en embarrassera pas. Elle n'a pas "la même palette que nous en magasin"...
Je vois bien qu'elle tente des fois de décoder les expressions faciales d'autrui. De voir ce qu'elles signifient. Moune a acquis la capacité d'en interpréter pas mal mais essentiellement les nôtres parce qu'elles lui sont familières... En gros, si quelqu'un qu'elle connait peu est triste, en colère ou content, elle n'y fera probablement pas attention. Par contre, si cette personne veut lui communiquer sa joie de vivre par des blagues... sa rogne par des gestes brusques... sa mélancolie par des confidences... Moune sera démunie et se refermera sur elle-même. Elle partira dans la plupart des cas.
Moune est dans son monde à elle. Un monde où tout va bien. Ou il suffit de vivre à l'état pur pour avancer... elle ne ment jamais. Elle ne comprend pas la méchanceté. Ca rejoint sa difficulté à décoder les émotions. Elle est toujours contente car sa vie est tracée, organisée comme elle l'aime. Elle n'aspire à rien d'autre. Son rythme quotidien est très programmé, elle le connait par coeur et l'accomplit avec rigueur :
 Dormir à telle heure, se lever pour entamer sa journée de lycéenne, engloutir son petit déjeuner, passer un quart d'heure sur son ordi avant de prendre ses vêtements du jour posés sur sa commode depuis la veille au soir... prendre son bus... descendre au bon arrêt... aller voir le tableau des profs absents pour ne pas attendre inutilement devant une salle de cours... attendre dans les couloirs du lycée dans un endroit peu fréquenté, assise par terre, aux inter-classes ou pendant une perm... manger à la cantine, seule pour ne pas être mal accompagnée... ou revenir à la maison si la coupure du midi est assez longue... si c'est le cas, manger vite et en profiter pour jeter un oeil à son ordi... descendre pile à l'heure pour reprendre son bus... revenir le soir fatiguée mais libérée... goûter très vite pour régler le problème des devoirs en quelques minutes... puis allumer son ordi... descendre dîner devant le Grand Journal de Canal Plus... monter se doucher, mettre ses habits dans la corbeille à linge... caliner les chiennes... préparer son sac de cours pour le lendemain... puis proposer à Zoé une petite soirée DVD... dire bonne nuit et s'endormir en jetant un dernier oeil à sa tablette...
Moune se satisfait de cette vie si simple et basique.
Elle est heureuse comme ça.
Toute sa vie sera belle à partir du moment où elle pourra accomplir les tâches qu'on lui demande de faire dans l'ordre où elle aura appris à les faire.
L'initiative, la prise de risque, elle ne sait pas ce que c'est.
Elle veut bien faire les choses à condition qu'on lui indique comment et dans quel but il faut qu'elle les fasse. Elle est toujours volontaire. Et d'une grande gentillesse.
Nous avons construit notre bulle familiale autour de cette simplicité et de cette rigueur.
Moune a certainement pu y trouver l'équilibre qu'elle a aujourd'hui.
Et c'est tout ce qui compte.
Cette année, c'est le Bac... et après c'est l'inconnu. La fin d'un cadre scolaire rassurant.
Nous avons du mal à nous projeter. C'est compliqué. Les étudiants Asperger sont rares donc peu pris en compte dans leur singularité.
Nous allons tout faire pour que la suite de ses études ne viennent pas altérer cet équilibre.
Pour qu'elle puisse continuer à être bien dans sa petite vie...

2 commentaires:

  1. Je l'admire ta fille... :) Et je vous admire tous! Mon Guillaume est un rebel malheureusement. Il n'a jamais voulu se plier à cette routine sécurisante. Cela rend les choses encore plus difficiles maintenant qu'il est adulte...

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  2. Merci Marie-Lionne! Manon est très facile à vivre, c'est vrai. A partir du moment où on réussit à faire cohabiter les sorties familiales à l'extérieur, les invitations, les rdv de médecins, et que cela lui laisse quand même un temps pour décompresser devant son ordi (sa passion!), elle gère... nous la prévenons à l'avance (planning de la semaine en magnet sur le frigo, elle sait comme ça ce qui l'attend!)... je t'avoue que je privilégie son bien-être le plus que je peux, car je connais ses limites... il m'arrive de refuser de faire certaines choses pour ne pas que ça la déboussole... c'est sûr, nous ne vivons pas comme tout le monde... nous n'avons pas perdu les contraintes que la petite enfance impose dans certains domaines, paradoxalement... Je comprends ce que tu veux dire pour Guillaume. Ca ne doit pas être simple pour toi car du coup, ce manque de cadre doit le rendre plus vulnérable... et toi, tu dois être là quand ça ne va pas du coup... j'ai l'impression que le syndrôme d'Asperger, déjà très complexe, ne se vit pas pareil au masculin... les filles semblent plus introverties, timides... les garçons sont plus volubiles, speed... du coup je me demandais si ça ne permettait pas aux hommes atteints de ce syndrôme de mieux aborder la vie active... de mieux s'en sortir...?? Mais tu sembles dire le contraire. Manon a peur de devenir adulte. Et quant à une vie amoureuse, elle ne veut pas en entendre parler... je t'embrasse fort Marie-Lionne. C'est adorable d'être là pour moi sur ce nouveau blog, merci beaucoup...

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