dimanche 7 juin 2015

Golden Baby

Golden Baby, c'est comme ça qu'il nous arrive de surnommer Julie. C'est un ami qui a trouvé ce surnom. Je trouve qu'il a tapé dans le mille.
Il y a quelque chose d'elle dans Béatrice, la chanteuse de Coeur de Pirate. Et comme j'avais dit que je mettrais des vidéos de chansons en entête de mes billets, qui ont un rapport avec le contenu qui suit, j'ai respecté la règle du jeu.
Pour mon frère, c'est l'actrice Amanda Siefrid qui lui fait instantanément penser à sa nièce.
Pour ma belle-mère, c'est la jeune chanteuse Louane...
Pour moi, c'est Scarlett Johansson dans le film "Un nouveau départ" qui représente le mieux Julie dans son intégralité...  Tout est là : la ressemblance physique, le naturel, la sensibilité, la force de caractère, l'authenticité... la vie qu'elle aimerait mener. L'idée de l'amour qu'elle se fait...
Je pourrais presque arrêter d'écrire et vous dire de regarder ce film (il est vraiment chouette en plus, il fait passer un bon moment!)... Ca reste pour moi le copié/collé le plus réaliste pour définir ma fille aînée...

Julie a deux ans de plus que Moune. On voulait peu d'écart d'âge entre nos enfants.
Comme je l'ai dit dans un billet précédent, elle a poussé comme un champignon. Elle était la première petite fille tant pour mes parents, que pour mes beaux-parents. Elle était la princesse. Je suis sûre qu'elle conviendra que ce terme lui va à ravir tant elle est fan de Disney.
Lorsque j'étais enceinte de Moune, nous étions sur le point de déménager pour un plus grand appartement en plein 12ème arrondissement de Paris. Julie n'allait plus être gardée par sa nounou, une femme formidable, là où nous habitions, dans le 93.. je savais que la naissance de Moune, suivie du congé maternité, mènerait jusqu'à la rentrée en maternelle de Julie. Tout s'embriquait bien. On ne pouvait pas rêver mieux.

Bien sûr, rien ne s'est passé comme prévu. Moune est née un mois avant notre déménagement. Celui-ci s'est fait sans moi car je passais mes journées auprès de mon tout petit bébé en néonatologie... j'étais coupée de toute réalité... en survie... Julie était gardée par les papies et mamies venus repeindre les murs du nouveau logement, refaire les sols... il y avait comme une urgence à tout asseptiser, à rendre propre... Julie était gaie comme un pinson, fidèle à elle-même. Elle venait voir sa petite soeur à travers les vitres du service de grand-prématurés, accompagnée par mon mari quand il terminait son travail. Elle était très appréciée par les infirmières.

Julie a toujours été appréciée par tous les adultes qui se sont occupés d'elle.

Je n'ai jamais repris mon travail de postière après la naissance de Moune. Je l'ai déjà dit, je crois. Donc Julie a pu profiter de moi 24h sur 24, d'une petite vie calme et d'une entrée en maternelle en souplesse... elle voyait bien que j'étais très occupée par Moune qui était un petit bébé fragile et peu réceptif aux sauts et aux grimaces qu'elle faisait devant son relax... mais elle ne posait pas de questions. C'était comme ça. Du coup elle me parlait beaucoup. Me posait des tas de questions.
Ca aurait pu me fatiguer par moment, ce blabla incessant, mais pas du tout...En fait, j'étais devenue mère au foyer, sans vie sociale... Moune échangeait peu avec moi, je répondais à ses besoins vitaux et c'était suffisant pour elle... l'infatigable conversation de Julie me sortait de mon isolement et me faisait souvent rire. Je ne pense pas qu'elle était comme ça par nature, car en grandissant, Julie est devenue timide et posée. Plus j'y réfléchis et plus je me dis que Julie a fait en sorte de me changer les idées, de me maintenir la tête hors de l'eau... elle me voyait sûrement triste et fatiguée, parfois... elle ne devait pas aimer ça et elle avait bien compris qu'elle avait un pouvoir de dérision sur moi... elle m'épiait en fait.

Julie a été et est encore un pilier pour moi. Bien sûr, l'amour de mon mari, la solidité de mon couple, ont eu un rôle primordial pour maintenir en vie la famille que nous étions... mais Julie a été la présence féminine la plus forte dans ma vie. Elle continue encore, malgré ses 21 ans, de venir me parler et savoir comment je vais. Elle me confie beaucoup de choses et c'est une chance énorme de voir la confiance qu'elle m'accorde. C'est ma fille avant tout, mais c'est aussi ma meilleure amie.

La relation Julie/Moune n'est pas du tout la même que la relation Zoé/Moune. Julie a assisté à beaucoup plus de colères, de crises inexpliquées de la part de Moune ... cette dernière bénéficiait de soins persistants... Julie ne savait pas quoi faire si ce n'est se faire petite. Mon mari et moi étions très accaparés. Du coup elle n'a pas pu créer de vrai lien fraternel... Moune a été hospitalisée deux mois avant de venir vivre enfin à la maison. La petite soeur tant attendue était un courant d'air, une illusion... et une fois qu'elle fut à la maison, elle pleurait beaucoup, ne supportait pas qu'on la touche ou qu'on lui fasse un bisou baveux... en plus, elle réclamait toute l'attention de maman et de papa... ce n'était pas facile à vivre pour Julie.

Le lien que Julie n'a pas pu créer, elle l'a donc reporté sur nous. Elle a tenté de grandir vite pour pouvoir suivre nos conversations et partager plein de choses avec nous. Elle y est parvenue haut la main.

Julie a d'autant pu vivre ce lien parents/fille avec sérénité le jour où elle a compris que Zoé était parvenue à remplir le rôle de la soeur fusionnelle avec Moune. C'était tellement plus simple pour Zoé de naître au moment où Moune allait mieux, marchait et verbalisait enfin ses besoins.

Je dois beaucoup à l'écoute et à la maturité de Julie.

Elle aurait pu m'en vouloir de l'obliger à grandir vite, souvent sans mon aide et mon soutien.

Moune a grandi avec le syndrôme d'Asperger nié par le corps médical jusqu'à ses 16 ans.
Zoé a développé une encoprésie entre ses 3 et 12 ans.
Julie se devait d'aller bien, toujours.
Pourtant elle a également des soucis de santé. Elle est allergique à l'histamine et a des tas d'autres choses comme le pollen, les poils d'animaux.... Elle a déjà fait un choc anaphylactique de niveau 2.
Elle le gère très bien, ne se plaint jamais.

Il nous est arrivé de mettre les choses à plat, elle et moi. Elle a su me dire quand elle avait besoin de penser à elle et quand elle ne pouvait plus être l'épaule réconfortante dont j'avais besoin quand j'avais un coup de mou. J'ai alors rectifié le tir, je me suis secouée. Nous sommes elle et moi d'un caractère franc et impulsif. Nous sommes assez similaires. On parvient donc à se dire les choses et à rebondir.
Si j'avais pu avoir mes proches dans la même ville que moi, ça lui aurait sans doute permis de souffler, à ma Julie... mais ma mère ne vit pas à côté de moi et a eu un AVC quand Moune avait cinq ans. Ma maman est alors devenue un petit bout de femme qu'il fallait ménager, rassurer... car tout choc émotionnel la mettait en vrac. Ma mère a découvert le handicap de Moune il y a un an et demi.... elle n'avait rien soupçonné du tout... j'ai fait en sorte de la protéger. Mais je pense que je n'aurais pas dû.

Mais ça, c'est une autre histoire. Faire comprendre l'autisme à nos parents, à notre entourage...

Arf, ce sera le sujet d'un autre billet...


2 commentaires:

  1. Je commente en vrac sur le dernier billet lu.
    A vrai dire, je voudrais écrire plein de choses, mais je suis juste émue, parce que je suis aussi tellement concernée....

    C'est émouvant de voir comment les relations se sont construites, c'est dur aussi de ne pas culpabiliser en tant que Maman, je suis encore en plein dedans.
    Mais tes billets respirent l'amour, tes filles le savent tellement de toutes façons.
    J'espère que dans quelques années, je pourrai dire aussi que les choses ont évolué vers le bonheur :-)

    Céline

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  2. Bonjour Céline,

    Merci pour ce commentaire gratifiant, c'est gentil... ça me redonne confiance, je ne sais pas trop si j'arrive à faire passer un message comme je voudrais qu'il le soit...
    Emouvoir est le plus beau compliment, merci.
    Tu dis que tu es concernée, Céline, peux-tu m'en dire plus... ??... je ne veux pas non plus t'obliger à te dévoiler ici si tu ne le souhaites pas...
    L'amour que l'on se porte tous les 5, et que notre entourage nous porte également, a permis de passer au travers de bien des passages à vide... où je ne savais plus si j'avais encore la force de me battre... même si le mot est mal choisi... je n'ai jamais trouvé que l'autisme de Manon était un combat, une souffrance liée au comportement de ma fille... non... j'ai souffert en fait du jugement des autres, parce que la reconnaissance de son handicap a été tardif... et que j'ai dû être son lien social, son bouclier, et que personne ne comprenait pourquoi... la protéger était ma raison de vivre et l'est encore, mais j'ai entendu des choses pas très faciles à digérer sur ma façon d'être... j'ai ressenti de la culpabilité, oui, beaucoup, parce que je doutais des fois, de moi, d'elle aussi (jouait-elle un rôle? Elle était si normale parfois)... et que j'étais épuisée moralement... le jour où le médecin du CMP m'a pris dans son bureau pour remplir le certificat annexe au dossier MDPH, et qu'il m'a dit que ça suffisait maintenant... qu'il fallait mettre noir sur blanc le mot "syndrôme d'Asperger" sur ce fichu certificat médical... j'ai ressenti une délivrance... un droit d'être la maman que je suis... il m'a dit que j'avais fait un "bon" boulot. Que je pouvais être fière de ma fille, qu'elle était bluffante et attachante. J'ai pleuré. J'étais bien...
    Elle est longue la route qui mène au bonheur... c'est ce que tu dois te dire, Céline. Mais en fait, si je regarde en arrière, le bonheur était là sous mes yeux. Manon m'a appris à être quelqu'un de tellement meilleur. Je ne peux pas tricher avec elle. Et du coup, j'ai appliqué ça au sens large... et c'est tellement mieux!!!
    Je t'envoie toute mon amitié...

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